Merci pour le nectar.

        

     Je pensais, il n'y a pas longtemps, qu'une partie de moi-même s'était enfuie à jamais.

Puis, je me suis remise à écrire, je ne sais pas pourquoi, c'était sans doute le bon moment.

Jeter mes histoires sur le clavier de mon ordinateur me vidait la tête et me remplissait d'enthousiasme. (non, je ne ferais pas un parallèle avec une éjaculation, vous me connaissez, ce n'est pas mon genre!)

Dans le cadre de mon travail, j'ai été amenée à reprendre mes pinceaux, pour illustrer un jeu, des brochures...

Je fut très surprise de retrouver ma dextérité. 30 années s'étaient écoulées depuis que j'avais une dernière fois refermé ma boite de couleurs et tout était encore là, au bout de mes doigts.

Puis une amie m'a montré le travail qu'elle faisait dans un atelier de modèle vivant. Le simple fait de voir ces dessins m'a fait frissonner. Elle venait de réveiller mon magnifique démon.

Alors, comme un pianiste à qui on aurait brisé les deux mains, j'ai fait ma rééducation, je me suis appliquée à faire mes gammes, j'ai trouvé un atelier qui proposait des séances de modèles vivants. Contrairement aux mains déglinguées du pianiste, je ne ressentais aucune douleur mais un plaisir, incommensurable.

Bien sûr, mes croquis étaient et sont toujours hésitants, mais l’œil étaient de retour, petit à petit.

Mes mains étaient toujours prisonnières du trait mais les sensations étaient délicieuses. Je confirme que ce n'est pas la même partie du cerveau qui fonctionne lorsqu'on dessine, je le ressens physiquement, mes pensées ne s'ordonnent pas de la même manière.

Et puis cette nuit, le trait s'est effacé au profit d'une autre entité. Ma main a repris sa liberté, elle s'est émancipée de la contrainte technique, je venais de renaître.

J'exagère? 

J'ai failli pleurer sur mon papier. Je me suis douté que quelque chose était en train de changer quand j'ai choisi un grand format. Quel plaisir d'écraser mes couleurs sur le vélin, guidée par autre chose que la ligne, dirigée par mon cœur. J'en ai eu la certitude quand, avant d'aller me coucher, le sourire aux lèvres, j'ai été prise par une crise d'orange, improbable teinte, loin de la photo en noir et blanc qui me servait de modèle. J'ai saisi ma craie et j'ai posé la couleur. C'était elle qui manquait, elle dont j'avais besoin. Cette ombre orange, c'était moi, pas le modèle, pas le trait, pas la technique.

C'était comme déboucher une bouteille et laisser le nectar qu'elle contient s'écouler lentement.

C'est ce même mystère qui rend interprétation d'un pianiste remarquable. Oui, il y a la partition, il y a la technique, la connaissance, la dextérité mais ce petit supplément d'âme n'est pas toujours au rendez-vous. Et quand il est présent, le pianiste vous embarque et vous fait découvrir son monde, c'est SA sonate qu'il joue sur les notes de Bach, c'est magique!

Voilà, les amis, je suis de retour!

J'ai tout de même une pensée amère pour l'école des beaux-arts de Perpignan - je la cite précisément parce que je sais que ce n'est pas partout pareil, que les temps ont dû changer - ils n'ont eu besoin que de deux ans pour briser cela.

Deux ans pour enfoncer un bouchon et sceller la fameuse bouteille de nectar. Deux ans à supporter des remarques insipides de professeurs fantoches, incapable de distiller leur savoir puisqu'ils n'en avaient aucun.

Cette nuit, j'ai tourné la page, enfin.

N'ayez pas peur, ma tête n'a pas enflé au point que je ne voie plus les faiblesses de ce que je dessine, au contraire, j'ai une idée précise du chemin qu'il me reste à parcourir et dont je ne verrais jamais le bout, c'est le jeu.

Mais le simple fait de retrouver cette merveilleuse sensation me donne envie de croquer le monde!

 

Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    Laure (lundi, 12 décembre 2016 21:42)

    C'est amusant que tu parles de ce orange, parce que cette poudre d'or, c'est entre autre chose ce que j'ai adoré dans ton dessin, c'est comme une poudre que laisse ton regard sur ce corps éminemment sensuel. J'adore ce que tu fais, c'est de toute beauté.

  • #2

    Laure (lundi, 12 décembre 2016 21:43)

    J'ai oublié de dire également que tu parles souvent du dessin, du trait, mais tu n'es pas seulement une excellente dessinatrice, je trouve que tu es également une excellente coloriste. Les deux ensemble ne peuvent qu'être explosifs :-)