37.2, mais ça, c'était avant!

37.2 le matin. Cela faisait bien 15 ans que je n'avais plus revu ce film de Beineix ou lu le roman de Djian.

Et je me suis dit, tiens, replongeons-nous dans cette histoire qui laissait de jolis sillons dans ma mémoire.

Le film commence par une scène de sexe, longue, je dirais "en temps réel". Et dès cette scène, je me dis: "Zut, que sommes nous devenus, qu'est devenu le cinéma?"

Je ne crie pas "ô chef d'oeuvre", je le crie rarement, en fait, je me moque de savoir si c'est le meilleur, le plus beau, le plus émouvant, larmoyant, choquant...et d'autres mot en "ant", non, il ne s'agit pas de ça.

Il est question de la manière dont on filme les deux personnages de cette histoire joyeusement déjantée.

Pas de vulgarité, pas de voyeurisme, mais du naturel.

Ben oui, en vrai, on fait l'amour comme ça, sans changer 25 fois de position, sans se fouetter (pas tous les couples, pas tous les jours en tout cas, ça laisse des traces), sans s'insulter, sans violence, sans perversité. Juste deux corps emboîtés qui recherchent le plaisir.

Et j'ai trouvé cela beau parce que simple, juste, tendre et animal à la fois.

Je ne me rappelle pas si ce film avait fait scandale, je ne crois pas.

Et je me dis qu'aujourd'hui, il n'y aurait pas beaucoup de producteurs pour oser investir dans ce genre de film: réalisateur inconnu à l'époque, personnage principal inconnue, scénario déjanté, scènes de sexe...

 

Et ça continue. Béatrice Dalle est éblouissante. Son corps illumine l'écran. Ce n'est pas un corps parfait, elle n'a pas des seins comme des obus, elle a de la cellulite sur les fesses, un petit ventre rond...mais elle est BELLE.

Jean-Hughe Anglade est magnifique. Pas de pectoraux gonflés ni de biceps surdimensionnés, mais un très beau corps qu'il promène avec l'assurance d'un homme bien dans sa peau.

Ho mon dieu! Ils sont nus dans la moitié des scènes!!!

Ben oui, comme dans la vie. Et pour une fois, il n'y a pas qu'elle qui est nue, la parité est respectée!

 

J'ai envie de hurler chaque fois que je vois un personnage de film s'enrouler dans son drap quand il quitte le lit où, il ou elle, baisait avec un partenaire qui garde slip et soutif pendant l'amour!

Non pas que je veuille me rincer l’œil (enfin pas toujours), mais surtout parce qu'on ne fait pas ça, en vrai, vous faites ça vous?

Et si cette pratique existe, c'est peut-être par mimétisme.

Oui, ça arrive de se balader à poil chez soi! Ça arrive de rester nu quand on se lève en pleine nuit pour boire, écrire, regarder la TV ou le matin pour faire le petit déjeuner!

Je n'ai jamais trouvé ces scènes impudiques, au contraire, elles participent de cette ambiance intimiste, de cette justesse.

On voit le sexe de JH Anglade pendant tout le film!!!

Et alors? Est-ce pornographique? Doit-on envoyer en urgence les enfants dans leur chambre de peur qu'ils soient choqués à vie?

Non, encore! Oui, les hommes ont des zizis, c'est juste leur anatomie qui veut ça!

 

Enfin, tout ça pour dire qu'aujourd'hui, dans un film qui, en plus, se veut érotique (je pense à 50 nuances), on n'ose même plus nous montrer un homme dans son intégrale nudité!

Même dans les films de la chaine17 du dimanche soir, interdits au moins de 16 ans, à peine apercevons-nous une fesse, et encore, à condition de se farcir toute la lamentable histoire jusqu'à la dernière minute.

Mais qu'est-ce qui nous arrive?

Quand est-ce que la pudibonderie a, à ce point, étalé ses maudits tentacules sur les créations artistiques en général, cinématographique et télévisuelles en particulier? 

L'impudeur, elle, a gagné du terrain, paradoxalement.

Pas celle des corps, celle des vies, des esprits, celle qui déballe les remugles de la misère physique et intellectuelle, celle qui montre l'humanité dans ce qu'elle a de plus vil, de plus sombre, de plus pitoyable.

Elle met à nu les êtres et les livre en pâture à la plèbe qui s'en repaît, histoire de se rassurer sur sa propre médiocrité ou révéler les sombres recoins de sa personnalité.

Elle nous montre de la brutalité, des viols, des meurtres, jusqu'à l’écœurement et s'il y a du sexe, c'est pour faire du buzz, pour scandaliser, pour exposer encore et toujours de la dépravation.

 

Alors que Betty et Zorg, eux, s'aiment, se tripotent avec tendresse et douceur. 

En les regardant, je ne me suis jamais sentie voyeuse, je les ai couvés du regard, je me suis vue en eux, simplement.

Cette histoire n'a pas extirpé de vice, caché au fin fond de mon âme, elle n'a pas fait de moi le complice de l'horreur ou d'une bizarrerie malsaine, je ne me suis pas sentie mal à l'aise.

Pourtant l'histoire finit mal. Et même ce crime qui la conclue, on ne le rend pas "beau", ni spectaculaire, ni sanguinolent mais épouvantable, difficile. Il est une issue digne mais pénible.

 

Je ne veux pas faire l'apologie du "avant, c'était mieux", mais je m'interroge sur la portée des images et des histoires dont on nous abreuve, cette singulière censure qui nous prive de corps nus mais étale des viscères et de la violence sur tous nos écrans.

Je comprends que des corps nus, des scènes de sexe puissent choquer certaines personnes, c'est aussi une question d'éducation, mais je ne saisis pas pourquoi ces même personnes acceptent la banalisation de la violence.

C'est quoi le message? Faites la guerre pas l'amour?

Je ne veux pas me laisser entraîner dans ce vortex de cauchemar.

Je préfère flotter sur l'amour, la vie, simplement.

 

Lorsque j'écris, Je ne veux pas passer mes pages à décrire des scènes de sexe, je veux parler de couples, qui s'aiment ou se déchirent et qui parfois, font l'amour, ou baisent, comme nous tous.

Parce que dans la vie d'un couple, le sexe a son importance, ce n'est pas le principal ingrédient, c'est un des ingrédients, comme le travail, l'argent, les passions, le caractère, le passé, l'expérience...

Je ne veux pas forcément écrire des histoires érotiques, je veux écrire des histoires.

Il y est souvent question de couple, donc il y est souvent question de sexe, mais ce n'est pas l'ingrédient principal.

C'est un des ingrédients.

 

 

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